PROPOSITION ET AXE DE TRAVAIL 2009: Texte lu au groupe, au début du début...

Notes pour un projet avec des comédiens et danseurs amateurs dans le cadre des Fêtes de l'Estuaire.

 Cie Les Journaliers

Nous travaillons sur une matière fragile, celle du « être ».

Les Poissons Pierre ne sont pas des images, beaux masques et beaux costumes, du moins ils ne sont pas que cela; notre travail se situe ailleurs: dans cette recherche d' « être ». Certes ceci peut passer inaperçu aux yeux de certains. Mais lorsque la magie opère, nous savons que c'est cet invisible qui fait son effet: nous sommes parvenus à « être » et les spectateurs se sont suffisamment ouverts pour « être avec ». Ceci est notre démarche artistique, c'est ce qui nous intéresse.

Qu'entendons-nous par  « être »?

Nous tentons de sortir du mode de la représentation pour entrer dans un mode organique et rejoindre le  règne du vivant.  Devenir ces êtres imaginaires, c'est se mettre au service de leur « esprit », le laisser vivre et parler à travers nous. Vibrer de la vie comme un nuage, une vache ou une pierre, c'est accepter de se mettre en résonnance avec tout ce qui constitue le moment présent, le visible comme l'invisible. Accueillir et ne pas faire.

Mais nous sommes aux prises avec notre personnalité volontaire, inquiète de l'attente du public,   terrorisée par le vide. Et parfois, notre proposition, si décalée avec la manière habituelle d'habiter un lieu, suscite aggressivité ou parfaite indifférence. Oui, cela ne fonctionne pas toujours dans le sens d'un résultat attendu.  Mais ce qui est toujours là, c'est  une démarche sincère et concrête, la proposition d'un espace subtil où une rencontre est possible entre cet « esprit », nous et le public, où un rêve peut exister.

Dans un atelier de sensibilisation à notre travail, c'est cette démarche que nous proposons. Ni technique formelle, ni rôle à jouer mais plutôt provoquer une certaine disposition de corps et d'esprit, accompagner pour oser, se dépasser et se transformer.

Dans le cadre des Fêtes de l'Estuaire et d'une recherche de « créatures du dessous » avec des  amateurs, nous n'apporterons pas de personnages façonnés à l'avance. Nous proposerons aux volontaires une confrontation à leur Nature:   - la singularité du paysage du pays Rochefortais, ce qu'on en perçoit, ce qu'on en pressent, le visible et l'invisible;  - la singularité de leurs individualités à chacun, leur sensibilité, leur corps. Nous rechercherons une rencontre entre l'Esprit d'un territoire et une personne habitante d'aujourd'hui.

Nous travaillerons sur une ouverture et une concentration des sensations physiques, des perceptions intuitives: laisser son corps être habité par quelque chose de subtil comme le balancement d'un roseau dans le vent, la marée qui monte, un oiseau qui guette... accueillir de surcroit ce qu'on ne comprend pas et nous traverse. Nous arriverons dans des logiques corporelles radicalement différentes de notre mode d'être quotidien et humain. Même si le sens et la poétique resteront indéfinissable par le spectateur, il y aura de l'  « étrange » et en cela, vivront des créatures.

Nous devons avertir que cette proposition  d'un travail en profondeur est d'une grande fragilité.

En effet, combien parmi les amateurs locaux seront touchés par cette démarche et accepteront de nous suivre sur ces chemins si peu spectaculaires, avec son lot de mises à nue, d'inconnus, de vides... Le résultat lui-même ne sera pas forcément spectaculaire mais bien étrange, « étrangeant » à qui saura voir... si tant est que l'événement global permette à ce sensible de se manifester.

Au fil du chemin parcouru avec les volontaires, selon leurs inspirations, des propositions plastiques, participant de la transformation des états d'être, apparaîtront; mais il est impossible aujourd'hui de dire à quoi cela ressemblera.

Par contre, nous gardons comme fil conducteur:  - la mémoire des lieux (ancêtres, premiers êtres vivants, traces des passants);  - le « dessous » des choses, ce qui est caché mais présent et agissant;  - l'hommage à la Nature d'ici.

Est-ce que vous nous suivez?

Rochefort, 21 novembre 2008